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Voulez-vous savoir où est la route des nuages?

Elle est là, au milieu du vide

Han Shan, VIIème siècle

 Se saisir du pinceau et laisser une trace.

Ce geste de l'enfance, si naturel,  spontané, je ne l'ai retrouvé, intimidée, qu' il y a peu.

A la réflexion, c'est peut-être même bien lui qui, détenu, retenu depuis si longtemps, s'est rebellé et imposé comme une nécessité, un compagnon, un rituel indispensable pour la suite de mon chemin.

Un retour, pour mieux aller de l'avant. Un retour aux racines, aux origines.

Ce plaisir inextinguible de montrer et de dire : Regarde ! Communiquer avec l'autre, partager un rayon de soleil, une réflexion, une émotion.

 

Tiens, c'est pour toi, dit l'enfant. Et il donne son dessin, fier, heureux de la reconnaissance qu'il reçoit et du visage qu'il éclaire.

Quand monde intérieur et monde extérieur se fondent dans le creuset de la pierre à encre, alors l'énergie de l'univers rayonne dans le profond du noir, le papier appelle et le bras se saisit du pinceau.

L'encre. La travailler en douceur au creux de sa pierre. Observer sa brillance, sa fluidité, guetter son odeur d'humus, l'instant où s’exhalent ses origines lointaines, végétales, ce cadeau, déjà, avant même la rencontre avec le papier.

 

Le papier. Ma préférence va aux papiers asiatiques, à leurs finesses, leurs caractères, leurs secrets de fabrications. Plutôt que de choisir des Wenzhou, Xuan ou autre Washi, je les préfère moins mystérieux et plus aptes à déclencher mon imaginaire géographique : chinois, japonais, coréens, vietnamiens, népalais, parfois parisiens, dénichés dans une boutique du quartier chinois...

Les fibres utilisées m'importent peu, ce qui m'attire c'est la rencontre, ce qui va se passer avec l'encre, ce que cette feuille venue du bout du monde va me révéler.

A chacune son toucher, sa couleur, sa texture, sa résistance et sa fragilité, son absorption... Chaque origine est une galaxie de papiers, chaque rouleau, feuille, est déjà, en soi, une œuvre unique, le résultat somptueux de gestes de femmes et d'hommes, loin, là-bas, et qui se retrouve devant moi, prêt à entrer en connexion avec ce que je suis, mes aléas et mes émerveillements, mes expériences, mes choix, mes blessures et mes victoires avec, glané tout du long, un agglomérat de cultures européennes mâtinées d'influences asiatiques, évidemment.

Ce dont il s'agit ici est donc un métissage.

 

Le pinceau. Chinois ou japonais, parce qu'il est, lui aussi, à chaque fois, une pièce unique à découvrir, un animal à apprivoiser, avec son caractère, ses préférences, sa douceur, sa résistance, sa réserve.

 

 

Encre, papier ou pinceau, je n'attends pas d'eux qu'ils soient dociles ou qu'ils m'assistent dans ma démarche créative. Je recherche plutôt à ce qu'ils y participent, par leurs spécificités. Qu'ils en soient, au même titre que moi, un des ingrédients dans cette quête d'harmonie. 

L'œuvre est terminée quand l'expérience s'achève.

En reste l'empreinte qui est fulgurance et ressourcement, concordance tracée en camaïeu de gris, en ombre et lumière, parce que l'un ne va pas sans l'autre, parce que le vide accorde le plein, comme le silence la musique.

Une proposition d'équilibre. 

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